Sexe

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Cela fait un ou deux ans que je ne me reconnais plus dans le féminisme (j’en ai un peu parlé dans Victimes). J’en suis assez peinée car je me sens toujours féministe. Mais le discours dominant est en discordance avec ce que je crois, ce que j’ai vécu et dans un contraste absurde avec les dangers actuels pour l’humanité toute entière, et particulièrement pour les femmes, de la guerre engagée par le califat.

C’est pour ce motif que j’ai décidé d’écrire cet article à propos d’un rapport récent qui me semble exemplaire et qui traite du sexe dans deux acceptions du mot : le rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes hommes (HCE) relatif à l’Education à la sexualité : « répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes », sorti en juin 2016.

Au nom d’un objectif auquel tout le monde ne peut qu’adhérer, il transmet, en direction des médias grâce aux techniques de management et de communication politique (rephrasages, posts-its joyeux, chiffres chocs) le message central de la théorie du genre, et la vision du monde qui l’accompagne. Et c’est bien ce qui m’inquiète dans le féminisme actuel, ou du moins, puis qu’il est divisé, sa tendance dominante : il impose, dans les sphères du pouvoir, dans les médias et les réseaux sociaux, une vulgate, des éléments de langage qui sont issus d’une théorie que nous ne pouvons même plus discuter.

Je sais dans quoi je mets les pieds. La théorie du genre, qui a fait parler d’elle au moment des ABCD de l’égalité n’existe pas, dixit entre autres notre ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, la propre créatrice, quand elle était ministre du Droit des femmes en 2013, du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je sais aussi que certains des auteurs que je vais citer, Eugénie Bastié, auteur d’ « Adieu mademoiselle ou la défaite des femmes » ou Bénédicte Levet, auteur de « La théorie du genre ou Le monde rêvé des anges », sont des vilaines de la « réacosphère », et il suffit de lire les articles qui leur sont consacrés dans certains médias pour voir s’enfiler comme des perles les propos disqualifiants. Je citerais aussi Sylviane Agacinsky, Peggy Sastre, Nancy Huston, Victoria Vanneau et Christopher  Lasch. Et puis, pour tout dire, j’écris des articles justement pour ne pas tenir compte de ces arguments qui n’en sont pas et pour garder ma liberté d’opinion. Je dirais même qu’il est vital à mes yeux que l’on puisse discuter certains présupposés sans être disqualifié en tant que personne. J’ai découvert le sujet il y a peu, je ne suis pas croyante, je ne suis pas contre le mariage pour tous et ne me suis pas engagée contre les ABCD, mais je suis opposée à ce que ce rapport révèle et j’ai trouvé tous ces livres et écrits très éclairants et convaincants. Et puis, je crois possible, et même simple d’être favorable à ce que les homosexuels puissent vivre sans aucune pression ou menace leur sexualité tout en croyant en la différence des sexes, et d’être féministe tout n’adhérant pas une vision caricaturale des hommes et de la sexualité.

Comme j’écris des articles société un peu (beaucoup ) longs, je l’ai découpé en parties qui sont les suivantes:

  1. Le mot et la chose
  2. Cultivons nous en découvrant la théorie du genre
  3. Rions un peu avec l’OMS
  4. pouvons-nous contester la théorie du genre ?
  5. Éléments de langage
  6. Un rapport qui parle le genre sans le savoir
  7. Et l’amour dans tout ça
  8. Théorie du genre et califat

 Le mot et la chose

Le mot sexe n’a pas toujours désigné la chose. Du latin sexus, il désigne jusqu’au XIXe siècle l’ensemble des caractères distinguant mâles et femelles. Son étymologie débattue le place de toute façon comme un mot ayant trait à la différenciation sexuelle voire à la filiation ( Le mot viendrait-il de secare, couper, diviser, ce qui expliquerait le sens premier de subdivision d’une espèce entre mâle et femelle  ou du sanscrit sacate, qui donnerait le latin sequor, signifiant « ce qui vient après, ce qui suit», comme dans « second » et il s’agit là de progéniture, de descendance). Au XIXe siècle avec l’appétit de savoir, de nommer, le mot sexe va du social vers le physiologique et en arrive au XXe à désigner les organes génitaux et leur activité.

Au XXe siècle aussi apparaît aux États-Unis la notion de genre, au départ dans le champ de la psychiatrie puis dans les sciences sociales pour désigner les « études de genre ». En anglais, le mot gender est utilisé de manière courante, généralement pour exprimer les différences entre femmes et hommes en insistant sur les différences culturelles plutôt que biologiques. C’est donc via les traductions de l’anglais que ce terme a pénétré les sciences sociales en France, essentiellement depuis 2011. La Commission générale de terminologie et de néologie recommandait en 2005 de ne pas employer « genre » en français malgré son utilisation croissante dans certains champs des sciences sociales, au motif que

Le sens en est très large, et selon l’UNESCO, “se réfère aux différences et aux relations sociales entre les hommes et les femmes” et “comprend toujours la dynamique de l’appartenance ethnique et de la classe sociale”. Il semble délicat de vouloir englober en un seul terme des notions aussi vastes. En anglais, l’emploi de “gender” dans ces expressions constitue un néologisme et correspond à une extension de sens du mot qui signifie “genre grammatical”. De plus, ce terme est souvent employé pour désigner exclusivement les femmes ou fait référence à une distinction selon le seul sexe biologique….en français, le mot sexe et ses dérivés s’avèrent parfaitement adaptés dans la plupart des cas pour exprimer la différence entre hommes et femmes, y compris dans sa dimension culturelle.

Cultivons nous en découvrant la théorie du genre

Je cite ici Eugénie Bastié

Apparue à l’horizon de la psychiatrie, la notion de genre, née aux États-Unis, a été annexée par les féministes qui en ont fait une discipline des sciences sociales. La britannique Anne Oakley est la première à théoriser, en 1972, la distinction entre sexe (biologique) et genre (culturel)….Soucieuse de dépasser Oakley, Judith Butler papesse américaine de cette idéologie érigée en savoir, décide, après avoir travaillé sur les minorités sexuelles aux États-Unis, de déplacer le terrain de lutte sur le sexe lui-même, conçu comme une construction culturelle…. Ce que Butler entend renverser, c’est la légitimité «  prétendue naturelle de la bi-catégorisation des sexes». Sa finalité est de déporter le combat féministe de la lutte pour l’égalité réelle vers la destruction des normes hétérosexuelles, tout comme Michel Foucault, sa référence majeure, avait transformé la lutte sociale contre l’exploitation économique en une lutte « sociétale» contre la domination symbolique.

Dans Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion, son ouvrage traduit en français en 2005, Judith Butler critique en effet radicalement la « présomption d’hétérosexualité » qui impose une norme sexuelle. Lorsqu’on s’exclame, « C’est une fille ! » ou « C’est un garçon ! », on impose au nouveau-né un genre déterminé par la culture. Il ne peut s’en défendre qu’en jetant le « trouble » dans le genre par l’homosexualité, le lesbianisme, le travestissement, le transsexualisme etc. Butler considère que le « sujet » est une « construction masculine » qui exclut la possibilité « structurale et sémantique » du féminin. L’hétérosexualité est pour elle la conséquence du tabou majeur, qui n’est pas l’inceste, à l’origine du complexe d’Œdipe, mais l’homosexualité.

Cette théorie vise avant tout à défendre la légitimité d’autres sexualités que l’hétérosexualité mais elle est aussi un outil utilisé par certaines féministes, et les plus influentes aujourd’hui. Dans sa version «féministe», il sert à établir un continuum entre stéréotypes et violences faites aux femmes devenu le fer de lance de la cause féministe. De «Madame la présidente» à l’Assemblée nationale au viol dans le métro, c’est une seule et même violence, celle du patriarcat, qui s’exerce sous des formes physiques ou symboliques. Le mal mondialisé et millénaire n’a partout qu’un visage, celui, ringard, du mâle hétérosexuel pour résumer sans euphémiser.

Rions un peu avec l’OMS

L’OMS, auquel se réfère beaucoup le rapport, a prévu sur sa page internet « OMS : Genre, femmes et santé » un petit laïus assez révélateur pour que nous comprenions le sens des mots sexe et genre :

Il est parfois difficile de comprendre exactement ce que l’on entend par le terme « genre » et comment ce terme se différencie de celui de « sexe » qui lui est étroitement lié. Le mot « sexe » se réfère davantage aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient les hommes des femmes. Le mot « genre » sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes. En d’autres termes : « Les hommes » et les « femmes » sont deux catégories de sexes, tandis que des concepts « masculins » et « féminins » correspondent à des catégories de « genre ». Les aspects de sexe ne changent pas beaucoup d’une société humaine à une autre, tandis que les aspects de « genre » varient beaucoup.

Voici quelques exemples de ces caractéristiques sexuelles:

Les femmes peuvent avoir leurs menstruations, et tel n’est pas le cas pour les hommes.
Les hommes ont des testicules et les femmes n’ont en pas.
Les femmes développent des seins et peuvent normalement allaiter.
D’une façon générale, les hommes ont de plus gros os que les femmes.

Voici quelques exemples de caractéristiques de « genre » :

Aux Etats-Unis (et dans la plupart des autres pays), les femmes gagnent sensiblement moins que les hommes pour un travail similaire
Au Vietnam, beaucoup plus d’hommes que de femmes fument, l’habitude de fumer n’étant traditionnellement pas considérée comme convenable pour les femmes
En Arabie Saoudite, les hommes ont le droit de conduire une automobile et les femmes ne l’ont pas
Presque partout dans le monde, les femmes font plus de travaux ménagers que les hommes.

J’avoue que j’ai beaucoup ri en lisant les caractéristiques sexuelles. J’imagine le rédacteur ou la rédactrice se creuser la cervelle pour mettre les règles en premier (mais pourquoi « peuvent avoir » ? Pour ne pas discriminer les ménopausées ?), mettre les testicules au lieu du pénis et oublier le vagin (pour éviter toute allusion à la pénétration ?) ainsi que l’utérus (pour ne pas nous réduire à la reproduction ?). Je dois être trop freudienne pour tout ça.

Pouvons-nous contester la théorie du genre ?

Un certain nombre d’auteurs la contestent et je n’en citerais que quelques uns. Les critiques de la théorie du genre fondées sur la science sont émises par Peggy Sastre dans son livre férocement argumenté et drôle La domination féminine n’existe pas (Anne Carrière, 2015) qui défend l’idée, en se fondant sur le darwinisme, que le système oppresseur vertical et unilatéral masculin n’existe pas, et que ce qui existe c’est une « histoire évolutive qui aura poussé les deux sexes à des stratégies reproductives certes distinctes mais qui ne vont pas l’une sans l’autre ». Sur la théorie du genre elle écrit que

La littérature scientifique regorge de travaux observant des différences psychologiques moyennes entre les sexes, des différences de tempérament et d’aptitudes cognitives qui se manifestent très tôt dans le développement et qui, de par cette apparition précoce, invalident l’hypothèse féministe classique selon laquelle ces différences seraient exclusivement dues à des pressions sociales, éducatives et susceptibles d’être « déconstruites » par une intervention exclusivement socio-culturelle ».

Pour elle, si nos psychologies sont sexuellement dimorphiques c’est que nos cerveaux le sont parce que l’évolution a façonné cet organe. Elle soutient aussi que les différences physiologiques devraient être mieux prises en compte par la médecine.

Pour Nancy Huston,

Les tenants de cette théorie ont raison d’affirmer la séparation entre sexe et genre : en effet, toutes les sociétés humaines ont furieusement retravaillé la différence des sexes, en l’exagérant et en la symbolisant. De là à dire que le sexe biologique ne prédétermine en rien le genre auquel l’individu appartient est un non-sens, tant sur le plan de la biologie que sur celui de l’anthropologie. La réalité humaine est mixte ! Autant c’est un acquis de pouvoir affirmer que tout n’est pas nature, autant c’est un déni d’affirmer que rien n’est nature. La différence entre les sexes s’est toujours inscrite dans notre espèce, non parce qu’une moitié de l’humanité a décidé d’opprimer l’autre, mais parce que cette autre fait des bébés. Pour affirmer qu’hommes et femmes sont identiques, les gender studies ont, sinon escamoté, en tout cas gravement minoré les phénomènes liés à la maternité.

Sylviane Agacinski constate elle aussi le glissement d’une étude de la construction de l’identité sexuelle à une déconstruction factice :

Dans la mesure où le genre désigne le statut et le rôle des hommes et des femmes dans une société, c’est en effet une construction historique et culturelle. Ce qu’il faut défaire, c’est la vieille hiérarchie entre hommes et femmes : c’est ce qu’ont voulu les féministes. En revanche, cette déconstruction n’abolit pas la différence sexuelle… la limite est la vie même ! En tant qu’êtres humains vivants, nous ne pouvons pas éradiquer la dissymétrie des sexes. Un homme et une femme ne sont pas sexuellement interchangeables, et un père n’est pas l’équivalent masculin d’une mère. C’est autre chose. L’écrivain Pascal Quignard le dit fort bien : « La différence sexuelle est coriace. »

Enfin Bénédicte Levet choisit un autre terrain :

Je défends la différence des sexes, l’altérité comme fondement de nos sociétés moins parce qu’elle est naturelle – même si, comme je l’ai dit, une société sans étayage dans la nature se prive d’un principe de limitation qui ouvre la voie à une hubris, une démesure qui demeure, ainsi qu’on le sait depuis les Grecs, rarement impunie – qu’en raison de la culture qu’elle porte. La civilisation occidentale, et spécialement la civilisation française, a exalté l’énigme de cette première différence qui se découvre à l’œil nu, a aiguisé cette polarité dont procède l’érotisation des relations hommes-femmes… il y a au cœur du Genre, un ascétisme, un puritanisme résolu à couper les ailes du désir hétérosexuel qui ne devrait pas nous laisser indifférents. Les religions en ont peut-être rêvé, le Genre lui, en extirpant le mal à la racine (la différence des sexes), escompte le réaliser.

Éléments de langage

Il est beaucoup plus important qu’il n’y parait de nommer les choses, comme le dit si bien Philippe-Joseph Salazar, dans Paroles armées, comprendre et combattre la propagande terroriste, ouvrage dans lequel, à propos du féminisme issu de la théorie du genre, il note que ces notions

furent longtemps réservée à une élite intellectuelle. Mais quand elles percèrent finalement au grand jour dans le débat public, elles furent rephrasée, par un processus naturel de vulgarisation, dans le langage désormais commun de l’interaction sociale: celui du management.

Comme l’écrit Benédicte Levet :

L’offensive est d’abord sémantique : ministres, journalistes, sociologues, philosophes prennent soin de bannir de leur vocabulaire l’expression d’«identité sexuelle» au profit de celle d’ «identité de genre». Les textes officiels en adoptent également le langage. On ne compte plus les rapports gouvernementaux – nous en évoquerons quelques-uns dans le cours de cet essai – destinés à promouvoir les postulats de cette nouvelle anthropologie. La théorie du genre bénéficie ensuite d’une véritable reconnaissance institutionnelle. La liste des universités et des grandes écoles lui réservant un enseignement s’allonge chaque année. Cette substitution sémantique, ce glissement de vocabulaire du sexe vers le genre n’est pas neutre. Ce petit vocable est lourd de présupposés anthropologiques et métaphysiques qu’il convient de mettre au jour.

Le HCE s’est déjà attaqué à la langue en produisant un rapport « pour lutter contre le sexisme dans la communication publique ». On lui doit la suppression du terme « mademoiselle » comme infamant (sur lequel je renvoie à l’excellent article de @Cincinnatus sur CinciVox) et  le code d’écriture récent du féminin et du masculin qui ressemble à du morse qui fait dire à François Taillandier dans L’Humanité, que les membres du Haut Conseil sont « devenus fous », tandis que Marianne titrait Comment dit-on totalitaire au féminin ?

Ce rapport a été décliné en une notice largement diffusée dans les administrations en novembre 2015 qui préconise d’ « user du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et à toutes, pour que les femmes comme les hommes soient inclus.e.s, se sentent représenté.e.s et s’identifient », d’utiliser les adjectifs au féminin et au masculin, par ordre alphabétique afin de ne pas mettre systématiquement le masculin en premier, par habitude ou en second par galanterie. D’où égalité femmes-hommes et pas l’inverse. Ni vice et versa.

Un rapport qui parle le genre sans le savoir

Le dernier  rapport du HCE se propose de construire une société égalitaire et heureuse par l’éducation non pas sexuelle mais « à la sexualité », pour lutter contre « les stéréotypes de genre » qui sont la cause de l’intolérance envers les homosexuels et de la violence faite aux filles.

 Affirmant d’emblée que « la sexualité … est le résultat d’un construit social et de rapports de forces », que, malgré une « émancipation sexuelle certaine des femmes » la sexualité continue de constituer un domaine « empreint d’inégalités et de stéréotypes sur ce que seraient et ne seraient pas une « sexualité féminine » et une « sexualité masculine », le rapport tient pour établi (ou du moins implique) qu’il soit établi que ces représentations sont la cause du « continuum » des violences contre les femmes, puisqu’elles «  légitiment des rôles de sexe différenciés » et « peuvent ainsi engendrer des violences», puisque

Les stéréotypes de sexe favorisent des violences sexistes sous diverses formes, touchant en particulier les jeunes femmes : harcèlement via les réseaux sociaux, agression sexuelle, prostitution, harcèlement dans les transports, mutilations sexuelles, violences au sein du couple, etc…

Qu’est ce que ces rôles ou ces stéréotypes de sexe ? C’est nous dit le rapport, « une forte hétéronormativité », voire une « injonction à l’hétérosexualité »  qu’il faut combattre par l’éducation car, selon l’OMS Europe

Le droit à l’éducation à la sexualité constitue l’un des meilleurs outils pour faire face aux conséquences du système de domination patriarcale …Pour transmettre aux enfants et aux adolescent.e.s une vision globale, égalitaire et positive de la sexualité, il convient de construire une éducation à la sexualité où se déconstruisent les stéréotypes et les rôles traditionnellement attribués aux femmes et aux hommes…Dans cette perspective, l’approche retenue ne doit pas se cantonner à une prévention des risques (IST et grossesses non voulues) mais exige une approche globale, ou « holistique », qui place la sexualité dans le contexte plus large de la société, des inégalités de sexe et des relations sociales.

Bon, holistique pour ceux qui ne connaissent pas ce jargon, j’ai cherché ça veut dire « Doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités »…pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.

Cette éducation étant actuellement insuffisante et mal faite estime le rapport, il faut tout reprendre, en particulier les dispositifs de formation existants. Par exemple  L’éducation à la sexualité au collège et au lycée, Guide du formateur qui s’adresse, précise le rapport « aux formateur.rice.s » de l’Éducation nationale, et qui est selon lui « caduque et inacceptable » car

Une analyse des contenus de ce Guide du formateur atteste d’une approche contre-productive voire dangereuse en matière d’éducation à la sexualité … notamment du fait de la naturalisation de la sexualité : une vision biologisante de la sexualité qui affirme très clairement et sans nuance que la sexualité est un fait de nature et qu’elle est par définition d’abord un mode de reproduction ….une vision hétéronormée de la sexualité qui empêche de penser la diversité des orientations sexuelles.

Les experts consultés vont tous dans le même sens, par exemple « Pour Aurore LE MAT, doctorante en sciences-politiques à l’Université Lille 2

ces guides ne questionnent pas la construction sociale de la sexualité ni des savoirs institués, et mettent au contraire l’accent sur “l’altérité portée par la dualité des sexes”.  En ce sens, l’éducation à l’égalité est interprétée à tort comme une éducation à l’altérité, défendue par certaines approches de la psychanalyse.

Compte-tenu de ces analyses, conclut le HCE, « une réécriture s’impose ».

Et l’amour dans tout ça ?

L’histoire des relations amoureuses vue par le HCE est celle d’une longue oppression patriarcale et interdiction du plaisir des femmes imposée par l’Etat et l’Eglise. Sa vision de la sexualité aujourd’hui, de façon un peu contradictoire avec l’idée que nous sommes sortis grâce aux féministes de la longue nuit de l’oppression, est celle d’une société patriarcale fondée sur la violence des hommes (ici des garçons) sur les femmes (ici les filles). Si, bien entendu, il est écrit que la sexualité peut être heureuse, on se demande bien comment car dès que l’on entre dans le détail on évolue du harcèlement aux violences.

Pourtant, la littérature, rejoignant notre propre expérience de la vie, nous enseigne que l’amour c’est compliqué, que ce soit entre homme et femme ou entre deux personnes du même sexe. C’est compliqué et délicat comme sont délicats les jeux de séduction, les déceptions et les souffrances. Et les femmes ne sont pas dans ce jeu amoureux des anges innocents, pas plus que les hommes.

Comme l’écrit Sylviane Agacinsky

Pourquoi le rapport entre les sexes est-il aussi dramatique ? Pourquoi, entre eux, le drame, toujours ? La question me poursuit depuis mon enfance. Suivant une vision théâtrale de l’homme et de la femme, il y a l’amour, il y a les conflits, les scènes et l’issue fatale : le retournement du bonheur en malheur. Le rapport à l’autre sexe est-il nécessairement frappé d’une malédiction ? Les femmes en sont-elles les principales victimes, comme chez Ibsen, ou bien, comme chez Strindberg, le malheur frappe-t-il aussi les hommes ? Les deux, bien sûr, car c’est toujours de l’autre que vient le drame, comme dans le cinéma de Bergman. Pour ce grand metteur en scène du couple, rien n’est plus réel que l’amour, ce qui ne l’empêche pas de faire dire au diable, dans un de ses films :  » Que serait l’enfer, sans le mariage ? « . le théâtre de la conjugalité ne se joue jamais d’un seul côté, il a lieu entre les deux. C’est le jeu entre les passions que donne à contempler le drame, sur scène.

Mais, pour le HCE et pour la vulgate féministe dominante le maitre mot est le harcèlement, première étape du continuum qui mène au viol et aux violences. Des chiffres sont lancés à grands renforts de pourcentages, sans nuance, mais leurs biais ne sont jamais questionnés. Peggy Sastre relève par exemple que toutes les études sur le harcèlement sexuel au travail ont le même biais : elles demandent aux victimes le nombre de sollicitations  sexuelles indésirables qu’elles ont reçues, sans comparer à celles qu’elles ont reçues favorablement. Or, alors qu’on parle beaucoup de harcèlement dans le travail, 30% des couples se forment dans un milieu professionnel. Le HCE affirme que : « 100 % des usagères des transports en commun ont été victimes au cours de leur vie de harcèlement sexiste ou d’agression sexuelle ». Un mathématicien bloggeur a enquêté sur ce chiffre dont la source est un laconique « Résultats des consultations menées par le HCEfh, mars 2015 ». La réponse a été : « ce chiffre est issu d’une consultation d’une soixantaine de questionnaires collectés à l’issue de rencontres organisées sur le thème  genre et espace public. » En gros, conclut-il avec humour, « c’est un peu comme faire un sondage dans une file d’attente à un distributeur bancaire grec pour demander à ceux qui font la queue s’ils souffrent du manque de liquidités. »

Bref, toutes les propositions un peu insistantes ou non sollicitées deviennent du harcèlement. Et, je l’ai constaté, tous ceux qui émettent une opinion un peu divergente sur ces campagnes anti-harcèlement se font littéralement réduire au silence sur twitter par une cascade de messages. Or, pour se rencontrer, il faut quand même faire quelques approches, qui reposent encore un peu beaucoup sur les hommes. Parfois c’est un peu trop, parfois pas assez (nous avons tous connu des histoires du style mais pourquoi tu ne m’as pas dit que je te plaisais…) mais enfin ce n’est pas toujours du harcèlement pénalement répréhensible ni le premier palier de l’horreur (le viol). Dans un roman récent (Avant la chute) Fabrice Humbert écrit très bien le trouble de la séduction, bien différent et même tout à l’opposé du viol, présent dans le livre par ailleurs :

 Deux ou trois fois, elles avaient dû repousser, d’un sourire et d’une main ferme, des avances trop pressantes des ouvriers mais tout cela n’était rien : simples jeux, déclarations franches du désir. Rien d’inquiétant, rien de troublant non plus. Juste deux virginités, voyant grossir le désir alentour, avec un mélange de plaisir et de surprise.

Et les femmes ne manquent pas de désir non plus, j’ai voulu l’illustrer récemment avec Pénétration, un poème d’Hélène Picard, et cette force féminine ne date pas du XXe siècle.

Autre problème, les chiffres sur les garçons et les chiffres sur les homosexuels sont oubliés du rapport. Par exemple pour revenir au harcèlement, il me semble avoir pu constater que les homosexuels draguent aussi dans le métro, plus ou moins légèrement. Cela n’est jamais évoqué, et pour cause, cela n’entre pas dans la case « sexiste », « patriarcal » ou « stéréotypes de genre ». De même, citant l’enquête de victimation et de climat scolaire (DEPP, 2013) le HCE estime que celui-ci révèle que les violences physiques graves concernent 3 % des élèves et les violences à caractère sexuel 5 à 7 % des élèves », lesquelles « touchent plus souvent les filles : en moyenne, 7.5 % des filles déclarent avoir été victimes de voyeurisme, d’une caresse forcée ou d’un baiser forcé contre 5 % des garçons. ». Mais quel pourcentage concerne les garçons dans les violences physiques graves ? Et que dire et conseiller pour les 5% de garçons à côté des 7,5 % de filles ? Rien. Le rapport ne s’occupe ensuite que des filles.

Victoria Vanneau, auteur La paix des ménages – Histoire des violences conjugales, XIXe-XXIe siècles, évoque un biais similaire

En dépouillant les dossiers judiciaires du XIXe siècle, je me suis rendu compte que les hommes étaient aussi victimes de violences conjugales – la plupart sont violentés et finalement empoisonnés par leur femme. Cette violence est numériquement infime, mais elle existe. Les femmes violentes étaient condamnées de la même manière que les maris violents. Dans les dossiers étudiés, la criminalité féminine est davantage dans le calcul, elle ne rate jamais son coup – il y a d’ailleurs plus d’assassinat que de coups et blessures – l’homme est plus impulsif. Ce qui m’intrigue aujourd’hui, c’est que lorsqu’on parle de violences conjugales, on ne pense qu’aux violences contre les femmes. On est passé de la dénonciation des violences conjugales à celle des violences de genre. Des associations font pression pour que les violences faites aux femmes soient réprimées plus sévèrement. C’est ce qu’a tenté de faire, en 2010, la députée socialiste Danielle Bousquet (je relève qu’il s’agit de la présidente du HCE). Mais alors que fait-on des violences entre hommes, ou entre femmes, dans les couples homosexuels ? Que fait-on des hommes victimes des coups de leur femme ? Pour reprendre l’expression consacrée à la violence faite aux femmes, «tous les 14,5 jours», un homme décède sous les coups de sa compagne, selon le ministère de la Justice.

On en oublierai que les violences conjugales sont justement sanctionnées, que le dispositif s’est beaucoup amélioré et que notre pays est l’un de ceux où les femmes sont le plus en sécurité. Et c’est tant mieux.

Théorie du genre et califat

Le plus grave dans tout cela est que cette théorie qui nous est imposée, au moment même où le califat met sous nos yeux ce qu’est une société qui exalte la virilité meurtrière, où les femmes doivent obéir, sont vendues et violées, voilées et soumises, tient pour rien que nous ayons construit une société qui n’est plus une société patriarcale, une société dont l’histoire a permis, grâce aux femmes notamment, la construction d’un « idéal érotique -union de l’estime et du désir sexuel- qui mérite d’être considéré comme « l’une des plus grandes réussites de la culture occidentale »  ainsi que le relève Christopher Lasch, dans « les femmes et la vie ordinaire » (Climats), citant le livre du spécialiste l’émergence de l’idéal de l’amour romantique aux débuts de l’art moderne et de la littérature Jean H. Hagstrum dans Esteem Enlivened by desire : the couple from Homer to Shakespeare (1992)

Mettre dans la même phrase et sur le même plan le harcèlement dans les transports et les mutilations sexuelles, présenter l’enjeu religieux de manière contournée de façon à dissimuler la question de l’Islamisme en la noyant dans un patriarcat religieux fourre tout comme le fait le HCE en écrivant « l’essentialisation de ce que doit être un garçon ou une fille repose en partie sur un cadre patriarco-religieux (chrétien, juif ou musulman) prônant la complémentarité des hommes et des femmes contre l’égalité des sexes » est vraiment exemplaire de cette dramatique erreur. C’est se tromper d’ennemi. Nous sommes en guerre et nous devrions plutot consacrer l’argent et les effectifs à fermer les lieux de culte salafistes ou prônant la haine, à défendre la neutralité de l’espace public et la laïcité qu’à enseigner la déconstruction de la norme hétérosexuelle auprès des jeunes.

Ce rapport cible prioritairement l’Éducation nationale. Il  a même été sollicité par la ministre. Cela veut dire qu’il se propose, comme souvent, de lui ajouter une charge supplémentaire qui l’éloigne de ce qu’elle ne sait déjà presque plus faire et qui est sa mission, éduquer les élèves. Cela signifie aussi, puisqu’il fait revenir les ABCD finalement, qu’il tient pour négligeable que les familles issues de l’immigration, que nous devons intégrer quoi que l’on pense de ce mot, ne soient pas tout à fait prêtes à l’idée même d’une déconstruction de l’identité sexuelle. On sait que de nombreuses familles musulmanes, y compris celles qui ne sont en rien travaillées par l’islamisme, rejettent ce type de démarche. Ne peut-on comprendre que le temps est indispensable à l’intégration, à l’adaptation à une société nouvelle ? Pourquoi, après avoir fait la morale pendant tout le rapport sur ce que devrait être la sexualité et son enseignement, écarter les objections résultant d’une « panique morale » des « couches les plus réactionnaires de la société » ? Pourquoi heurter leur sensibilité alors qu’il suffit de poser clairement les règles du respect du aux femmes dans cette société en rappelant les lois existantes et en insufflant, rêvons un peu, par la force de la littérature et de la poésie tout ce que nous avons construit de beau sur l’amour, car c’est quand même de lui qu’il est question. Non ?

Pour aller plus loin :

Christopher Lasch, les femmes et la vie ordinaire, Climats, 1997

Nancy Huston, Reflets dans un œil d’homme, Acte Sud, 2013

Bénédicte Levet, La théorie du genre ou la vie rêvée des anges, Grasset, 2014

Peggy Sastre, La domination masculine n’existe pas, éditions Anne Carrière, 2015

Eugénie Bastié, Adieu mademoiselle ou la défaite des femmes, éditions du Cerf, 2016

Victoria Vanneau, La paix des ménages, histoire des violences conjugales, XIXe-XXIe siècle, anamosa, 2016

Image: extrait du film Un homme et une femme, Claude Lelouch

12 réflexions sur “Sexe

  1. Your articles are always a brilliant reflection of society and it is an education for me. I always learn so much. Thank you for sharing these wonderful articles.
    What I feel on the entire ‘Sexuality’ as we have come to perceive is that it is being glorified, as you have mentioned, in your essay, Victims « A world in black and white (on the division of the representation of the world in victims and perpetrators) ». Sexuality has been given a twist to prove ‘Patriarchal’ hegemony. More to suppress and prove virility; the only way to maintain a position in society. A balanced view on Sexuality or sexual is almost non-existent and a debate on it always takes an undesirable turn. Liked the passage on ‘WHO’ as you have mentioned to explain sexuality and the differences.

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  2. Je découvre votre blog, et je vous félicite de vos articles, dont celui-ci, que j’ai abordé avec un peu de crainte mais qui m’a presque convaincu. Aborder cette question est, comme toujours pour des questions essentielles, très périlleux. Personnellement, a priori, je suis plutôt un partisan des « théories » du genre, mais par attitude spontanée plutôt que réfléchie. Vous avez en grande partie raison, toutefois je me souviens avoir discuter avec une collègue universitaire, psychologue sociale spécialiste des relations au travail et j’avais été stupéfait par ce que ses travaux révélaient concernant le réel harcèlement que subissent les femmes dans certains emplois et certaines entreprises, dans des cas en général où les hommes supportaient mal d’être concurrencés par une femme. Je pense que vous ne pouvez pas nier les siècles de domination masculine, notamment dans le monde économique, et le fait que les hommes en général ne vont pas aussi facilement que cela accepter de perdre leurs prérogatives. Souvenez-vous aussi du livre de Bourdieu, « la domination masculine ». Qu’en pensez-vous?

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    • Pour tenter de vous répondre, il n’est pas du tout dans mes intentions de nier des siècles de domination masculine, même si le travail historique peut amener à nuancer quelque peu cette vision ou celui de Peggy Sastre que je cite dans l’article. En ce qui concerne le monde du travail, mon expérience personnelle est celle de la fonction publique et je n’y ai pas vraiment été confrontée à un harcèlement « sexiste ». Les rapports de travail sont toujours tissés de conflits qui m’ont semblé moins sexuels que sociaux ou personnels. Tout dépend énormément du sens donné au mot harcèlement et c’est là que le bat blesse à mon sens. La notion elle même a connu un tel développement que tout conflit est facilement qualifié de harcèlement, ce qui « noie » un peu les véritables cas de persécution volontaire. De même, tout compliment fait au mauvais moment est-il du harcèlement « sexiste » ? Conformément à ce que je cherche à faire dans ce blog, je m’attache aux distorsions des mots employés dans le langage public et c’est ce que j’ai essayé de faire. Cela ne signifie pas que je pense qu’il n’existe pas des situations d’authentique harcèlement ni qu’il soit aisé pour une femme d’intégrer un monde professionnel très masculin. Mais je crois aussi que la liberté des femmes, à laquelle je tiens beaucoup, oblige à ce que nous sachions nous défendre lorsque nous subissons des attitudes désagréables qui ne vont pas jusqu’à l’agression physique ou la menace. Nous n’avons d’ailleurs pas le monopole de ces attitudes. J’espère avoir un peu répondu à votre question finale. Quand au livre de Bourdieu que j’avoue je n’ai pas lu, il a été critiqué comme « masculiniste » par les « chiennes de gardes », dans le cadre de leur lutte contre « le patriarcat ». Voila le genre d’excès contre lequel j’ai écrit mon article. http://chiennesdegarde.com/article.php3?id_article=310

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      • Je suis en gros d’accord avec vous, mais je crains que lorsqu’on a passé toute sa vie dans la fonction publique (ce qui est mon cas aussi, et celui de mon épouse) on ait une vue déformée des choses: oui, dans la fonction publique, les faits de harcèlement sont rares voire bénins et nous avons l’illusion de vivre dans un monde presque harmonieux. Il n’en est rien dans le monde de l’entreprise et il faut, là-dessus, parler avec des spécialistes de psychologie ou de sociologie du travail pour s’en rendre compte. J’ai entendu des témoignages sidérants, cas où les images pornographiques les plus violentes sont utilisées pour déstabiliser les femmes au travail. Il est aussi un point qui n’intéresse pas beaucoup nos chères « chiennes de garde » et qui pourtant pose question, c’est celui de la discrimination de fait entre hommes et femmes au niveau des études. Bourdieu parlait de cela d’une façon très documentée. Il est faux que les femmes soient « naturellement » mauvaises en maths ou en science (de nombreux travaux de neuro-science détruisent ce préjugé, voir aussi Maurice Godelier) or force est de constater qu’encore aujourd’hui ces domaines sont investis par les hommes. Au moment de la sortie du livre de Boudieu, j’ai défendu les thèses du sociologue face à des amis et collègues masculins qui étaient tous logiciens ou mathématiciens et je leur montrais facilement combien il y avait peu de femmes parmi nous… la seule réponse qui me fut apportée fut: « et tu crois vraiment que la logique s’en porterait mieux? ». Je sais que certains trouvent cela secondaire, mais si on veut oeuvrer pour « la liberté des femmes », alors cela doit être aussi contre tous les déterminismes sociaux qui empêchent les femmes de faire des études ou des recherches où elles seraient considérées à l’égal des hommes.

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      • Je lis souvent la même chose que vous. Tout d’abord un coming out humoristique: en ce qui me concerne je suis nulle en sciences. A quoi est-ce du ? je l’ignore. ça ne m’a pas empêchée de faire des études cela dit.
        Il y a quelques points de vue différents sur ce sujet qui sont intéressants comme les études citées par Peggy Sastre selon lesquelles « On observe des différences significatives entre hommes et femmes dans trois grands domaines : les aptitudes spatiales, les aptitudes verbales et les aptitudes numériques. En termes d’aptitudes spatiales, les hommes surpassent les femmes quand il s’agit de prédire la rotation d’un objet en trois dimensions dans l’espaces, là où les femmes sont meilleures en localisation d’un objet ou en mémorisation de cette localisation … En mathématiques les hommes surpassent les femmes en abstraction. En revanche, les femmes sont meilleures en statistiques et en logique » ou son observation sur le fait que « Ce ne sont pas les femmes qui, en tant que groupe , sont au plus bas de l’échelle sociale, mais bien les hommes. S’il reste un » plafond de verre » qui empêche les femmes d’accéder aux positons les plus prestigieuses de la société, alors il faut admettre l’existence d’un « plancher de verre »…De fait, lorsqu’on envisage la population masculine dans son ensemble, les PDG de multinationales et autres milliardaires n’en représentent qu’une infimes proportion, contrairement aux SDF, aux détenus des prisons et aux pauvres parmi les plus pauvres. Les femmes, elles, sont bien plus présentes aux échelons moyens et intermédiaires de la société.  »
        D’autres auteurs ont des points de vue divergents comme l’américaine Christina H.Sommers qui est un peu partout sur les réseaux sociaux et anime the factual feminism

        Je pense aussi au point de vue d’Alain Corbin, remarquable historien de l’intime Alain Corbin (https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2002-3-page-167.htm) « Au début des années 1980, j’étais frappé par l’excessif dolorisme dans lequel baignait l’histoire des femmes, et par le refus des historiennes de concevoir un dolorisme équivalent à propos de la condition masculine au 19e siècle. Or, bien des éléments d’une souffrance masculine, particulière, méritaient d’être soulignés. C’est ce qui m’a poussé à rédiger cette communication qui avait semblé provocante. À la réflexion, j’irai aujourd’hui plus loin car toute une série d’arguments renforcent ma thèse. Par exemple, la souffrance physique et psychologique des militaires à la caserne, montrée par Odile Roynette, ou l’horreur de la bataille, que nous percevons mieux depuis que l’histoire militaire n’est plus cantonnée à la stratégie et à la tactique ; sans oublier le mal-être des lycéens décrit par Jean-Claude Caron [4][4] Odile Roynette, « Bons pour le service ». L’expérience…. Les démographes soulignent l’inégale espérance de vie des hommes et des femmes. Aujourd’hui ces dernières jouissent d’un avantage considérable ; elles profitent de leur retraite plus longtemps que les hommes, ce qui pourrait constituer une compensation à l’inégalité des salaires.  »
        En écrivant tout ceci je veux juste souligner que la vision des choses est me semble-t-il un peu déséquilibrée et certains paramètres systématiquement « oubliés ». Cela ne change rien au fait que j’attache un grand prix à l’égalité dans la culture et le travail.

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  3. Article (comme toujours) très intéressant et particulièrement bien documenté. J’apprécie surtout l’honnêteté intellectuelle et l’effort dans les nuances pour un sujet souvent traité de manière trop caricaturale (et je vous remercie pour la citation de mon billet sur la galanterie et le féminisme).

    Je me retrouve complètement (et vous le savez bien) dans la critique d’un féminisme dévoyé qui, plutôt que de lutter pour l’égalité des droits et des traitements (et le chemin reste encore long, hélas !), se vautre dans la désignation de boucs-émissaires et d’ennemis (les « mâles blancs hétérosexuels » catégories essentielle quoique l’on n’hésite pas à accuser l’autre d’essentialisme : poutre, paille et mauvaise foi). Les alliances objectives qui s’établissent ainsi, au nom de la fumeuse « intersectionnalité des luttes », sont délétères puisqu’elles se réalisent au profit des pires ennemis des femmes : bêtise à pleurer.

    Là où je m’éloigne peut-être un peu (?), c’est dans le traitement de la question homosexuelle. Je retiens des études de genre (je n’aime pas l’expression « théorie du genre ») la complexité de la construction de l’orientation sexuelle. J’ai toujours pensé que l’hétérosexualité pure, pas plus que l’homosexualité intégrale, n’existe jamais que comme un pôle idéal-typique d’un arc continu sur lequel chaque individu se positionne et peut évoluer. Pour le dire autrement : je suis convaincu que personne n’est 100% hétéro ni homo, mais bien « plutôt ceci » ou « plutôt cela » et peut changer, découvrir, vivre des expériences divergentes, au hasard des rencontres. Par exemple, pour faire mon « coming out », je me considère « bisexuel croyant mais non pratiquant ». Quel hétérosexuel n’a jamais été ému devant le pouvoir érotique d’une sculpture ou d’un corps vivant du même sexe ? Quel homosexuel peut affirmer n’avoir éprouvé la sensualité d’une peau de l’autre rive ? Sans doute en trouvera-t-on quelques-uns : rien n’interdit que l’avenir leur réserve des surprises, et tant mieux.

    Que l’on me comprenne : je ne plaide pas pour une bisexualité généralisée mais pour une reconnaissance de la complexité, pour une acceptation de l’évolutivité du désir et pour une chance à l’accident érotique. On peut se définir hétérosexuel et vivre une expérience amicoureuse homoérotique sans culpabilité. Et réciproquement. Sur l’axe bipolaire, à chacun de placer quand il le souhaite le curseur où il lui sied.

    C’est là une liberté que nous devons chérir, d’autant qu’elle est terriblement attaquée. Nous avons l’incroyable chance de la posséder dans notre société – quand tant d’autres répondent à l’homosexualité par la peine de mort. Et pourtant, même ici, elle n’est pas vraiment acquise. L’insulte la plus proférée n’est-elle pas « sale pédé » ? Dans combien de villes, dans combien de quartiers, il est impensable pour deux hommes de se tenir par la main ? Combien d’agressions de couples de même sexe ? Voilà bien des combats à mener, hautement plus cruciaux que ceux détaillés par le HCE. On a vu au moment du « débat » sur le mariage pour tous, qui ne faisait qu’appliquer une égalité de droit entre les citoyens au regard d’un acte civil, se déchaîner une haine et une violence effrayantes par des mouvements ligards de la plus pure tradition réactionnaire (au sens historique du terme). Et dans les rangs les plus bruyants, autant d’hommes que de femmes (et, bien sûr, beaucoup de petit(e)s soldat(e)s du salafisme alliés pour l’occasion aux chrétiens). S’il faut être schmittien et désigner l’ennemi, ne nous trompons pas : il est là.

    CIncinnatus

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    • Je vous remercie pour ce commentaire et je suis heureuse de voir que sur ce sujet, en effet délicat, un point de vue un peu différent puisse être apprécié.
      Mon propos n’était en effet pas du tout de remettre en cause les acquis de liberté de choix sexuelle ni de négliger l’importance de la protection de ce droit. J’ai voulu simplement souligner les dérives dans lesquelles la « théorie du genre », même si je comprends que vous n’aimiez pas ce terme, nous entraîne. Il y a un abime entre l’acceptation et le respect de sexualités non hétéro et une vision de l’homme hétérosexuel (voire de la sexualité hétérosexuelle) telle qu’elle est véhiculée dans le fil de cette idéologie. Le refus de l’altérité est ici total, car l’autre sexe est le premier « autre ».
      Enfin effectivement je suis frappée par le contraste entre la gravité des atteintes aux libertés notamment sexuelles menées au nom de l’Islam radical et l’intensité de la mobilisation contre le « harcèlement » allant jusqu’à inclure les remarques non sollicitées ou les sifflements, exclusivement venant d’homme hétéros. La notion de « continuum » qui est un peu le pendant de l’ « intersectionnalité » des luttes est à mon sens contre productive et périlleuse. Nous avons en effet un modèle de société à défendre.

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